[Récit] Lorsque l'avion veut vous tuer

Tim

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Hello,

Voici un petit récit d'un vol que j'ai fait il y a quelques jours. Le titre, certes alarmant, est là pour rappeler à quel point le pilote automatique a ses limites.

C'est parti !

Avec le CAPT, nous embarquons dans l'avion qui, d'ici peu de temps, transportera 180 passagers et 6 membres d'équipage jusqu'à Tanger, au nord du Maroc. La météo à l'aéroport de départ n'est pas extraordinateurnaire. En effet, la visibilité sur la piste n'est que de 400m et le plafond à 100 pieds. Nous devons nous créer un aéroport de dégagement qui n'a pas été prévu par le plan de vol. Nous analysons le METAR de quelques aéroports aux alentours, situés à moins d'une heure de vol sur un moteur comme le veut la réglementation. C'est finalement EHEH qui est choisi comme Take Off Alternate.

Un Take Off Alternate est un aéroport de dégagement qui est utilisé lorsqu'il est jugé qu'il ne sera pas possible de retourner à l'aéroport de départ en cas de problème. Une panne moteur est l'exemple typique parce qu'elle ne permet pas d'atterrissage automatique sur notre bon vieux 737 et il serait impossible de faire une approche ILS CATI avec cette météo.

Le départ se fait normalement. L'avion atteint rapidement son altitude de croisière en passant Paris. Le contrôleur de Brest nous demande alors de maintenir une vitesse Mach de 0.80 à cause d'un trafic derrière plus rapide. Pas de problème pour nous.

En revanche, très rapidement, nous voyons que pour l'avion, cela pose un problème. L'A/T a du mal à maintenir une vitesse précise et vole à une vitesse de 0.814, ce qui est très proche de notre vitesse max de 0.82. Je force les manettes de gaz à revenir en arrière pour retrouver une vitesse normale, mais l'A/T reste têtu et maintient continuellement une vitesse excessive. Étant le pilote en fonction, il me vient alors l'idée de sélectionner manuellement la vitesse sur 0.79, misant sur le fait qu'avec cette tendance à voler trop vite, on maintiendra la vitesse de 0.80 demandée par l'ATC. Je n'ai pas le temps d'exposer mon idée que le commandant, en me voyant sélectionner une vitesse inférieur, demande par radio si une vitesse de 0.79 serait suffisante pour maintenir la séparation. C'est approuvé !

Le reste de la croisière se déroule sans encombre. En approchant notre point de descente, nous commençons à briefer l'approche.

L'aéroport de Tanger possède une piste Est/Ouest 10/28. Il n'y a pas de couverture radar ce qui fait que l'approche se fait de manière procédurale, tout simplement. En venant du nord, il nous est préférable de prendre la 10 qui nous ferait gagner du temps et économiser du carburant. Cependant, la piste 10 ne possède qu'une approche VOR qui est malheureusement HS par Notam. Une autre possibilité serait de faire une approche visuelle.

En prenant la météo de Tanger, il ne fait pas très beau. La couverture nuageuse est basse, il y a de l'orage autour mais qui semble se dissiper. On oublie l'approche à vue !

Je prépare alors l'approche ILS 28.

Le contrôleur aérien nous donne un bon raccourcit, ce qui nous met très haut sur le profile. En réalité, l'approche a légèrement changé, au lieu de passer au dessus du VOR de TNG, on passe à présent au dessus du NDB TAN, transition qui n'est pas codée dans le FMC. Pendant que je récupère la descente, le commandant créer un point pour reproduire l'approche. La précision n'était pas extraordinateurnaire, mais je volais en HDG SEL et corrigeais moi-même la route. Autour de nous, les éclairent illuminent le ciel ici et là. L'orage n'est pas loin.

L'avion est enfin établi sur l'ILS. Nous traversons quelques grosses averses qui nettoient le pare-brise et la piste est déjà en vue.

- ça te va si je reprends en manuel ? demandé-je au commandant

L'avion était à environ 7nm de la piste, configuré avec 5° de volet. D'habitude j'attends un peu avant de reprendre l'avion en manuel, mais ce choix, presque anodin, allait nous éviter beaucoup de soucis.

À 4nm, je demande le train, 15° de volet et la checklist d'atterrissage. Puis 30°.

Soudain, quelque chose cloche. Le Flight Director me demande de piquer à -5°. Je ne comprends pas tout de suite ce qu'il se passe parce que mon regard est principalement dirigé vers l'extérieur. Le seul instrument que je surveille est la vitesse.

- Quelque chose de va pas, dis-je au commandant. Il me demande de piquer, le glide est parti.

Tout indique que je suis beaucoup beaucoup trop haut. L'avion veut plonger et rattraper le glide. Pourtant, lorsque je regarde dehors, le PAPI m'indique deux blanche deux rouge. Il y a un gros problème avec l'ILS.

- Je continue avec le PAPI.

Le commandant désélectionne la fréquence de l'ILS pour nous faire sortir du mode APP et il recycle les directeurs de vol. Me voilà entièrement en visuel.

L'atterrissage se fait très en douceur, de même que le freinage. Une fois la piste dégagée, nous reportons l'incident à la tour de contrôle qui accuse réception.

Ce qu'il faut comprendre, c'est que la seule raison pour laquelle l'approche s'est déroulée normalement pour toute personne non présente dans le cockpit, c'est parce que j'avais l'avion en manuel, établi sur le plan de descente. Si l'avion avait été sous pilote automatique, celui-ci aurait plongé vers le sol pour attraper ce faux glide. Le mouvement aurait été ferme, le vario important. Les alarmes GPWS se seraient probablement déclenchées. Nous aurions alors du procéder à une manœuvre d'évitement de terrain, suivie d'une remise de gaz. Dans la cabine, ce brusque changement se serait probablement fait ressentir par une accélération (G) légèrement inférieur à 1, puis d'une accélération positive de +-1.5 G lorsque nous aurions tirer sur les commandes pour récupérer l'avion.

Ces fluctuations du GS arrivent de temps en temps, souvent à cause du relief. Sous pilote automatique, le passager a l'impression de se trouver sur un bateau qui tangue. Lorsque les oscillations deviennent trop importantes et inconfortables, il vaut mieux déconnecter et voler à travers le GS. Néanmoins, ce phénomène là, à savoir un plongeon complet du GS, est vraiment inhabituel.

Durant le Taxi, des passagers se lèvent déjà pour récupérer leurs affaires et n'obéissent pas aux injonctions de la chef de cabine. Dans le cockpit, nous entendons cela et le commandant décide de freiner brusquement jusqu'à l'arrêt complet et passe une annonce à ces passagers avant de continuer le roulage jusqu'à l'aire de stationnement.

Je vous souhaite la bienvenue au Maroc !

Amic

Tim
 
Dernière édition:
Très intéressant sur votre boulot,vos choix,votre expertise et tout ce que nous ne savons pas coté cabine.
Merci pour le partage
:) :) :)
 
Merci beaucoup pour ton témoignage, très captivant. (y)

Je pensais que les pilotes n'entendaient pas les applaudissements donc comme cela se fait-il que vous avez entendu les passagers se lever?

Nous avons vaguement entendu le PA de la chef de cabine, nous avons ensuite branché le PA sur le ACP pour l'écouter clairement. :)

Amic

Tim
 
Merci beaucoup pour ton témoignage, très captivant. (y)

Je pensais que les pilotes n'entendaient pas les applaudissements donc comme cela se fait-il que vous avez entendu les passagers se lever?

C’est parceque le Captain écoute toujours ce qui se dit en cabine sur le « public adress » > clé d'écoute PA enfoncée sur l’ACP en plus de la VHF 1. On entend donc quand le PNC dit... please remain seated, please remain seated.

Un bon coup de frein, cela refroidit alors les exités...

Sorry, doublon avec Tim le temps que je compose..
 
Pas de problème, par contre tu as une idée d'où était le problème ? L'orage ?

Amic

Tim
 
Pas de problème, par contre tu as une idée d'où était le problème ? L'orage ?

Amic

Tim


Je ne sais pas, les ILS sont quand même protégés de la foudre.. Perso, je signalerai l'évènement à tes chefs si ton Captain ne l'a pas déjà fait, et ce serait bien den faire l'info dans vos dossiers de vol, NOTAM ou autre, histoire de prévenir les équipages suivants.

Comme tu a parlé d' Eindhoven (EHEH) au départ de ton vol et que tu as eu un faux glide, double à propos..
Tu connais sans doute cet incident survenu vers 2013 avec un faux glide par le haut, et un pt'i coup de stick shaker...

Edit: oui Tanger et Agadir sont délicats (relief, météo parfois violente)

Voici le rapport d’incident:


Le BEA hollandais a fait une étude générale sur les incidents de faux glide et les difficultés de contrôle avion, voir sur leur site > download > pitch upset due to false glide.



Voici la vidéo de l'incident, arrivée raccourcie et un peu haute + vent défavorable à la capture ILS.

 
Dernière édition:
J'ai effectué plusieurs vols virtuels au Maroc en conditions météo réelle, et à chaque fois j'avais des rafales et de l'orage.
La région est dangereuse, montagne et altitudes terrain.

La dernière fois, j'ai du faire un circuit d'attente improvisé tellement le PMDG tanguait dans tous les sens.

Vol chaotique PMDG
 
C’est parceque le Captain écoute toujours ce qui se dit en cabine sur le « public adress » > clé d'écoute PA enfoncée sur l’ACP en plus de la VHF 1. On entend donc quand le PNC dit... please remain seated, please remain seated.

Un bon coup de frein, cela refroidit alors les exités...

Sorry, doublon avec Tim le temps que je compose..
C’est marrant c’est exactement ce ce qui s’est passé ce matin au taxi sur ISB!

J’ét'ais PF, en train de repartir tranquillement juste après m’être arrêté après le « rapid exit taxiway » de la 28R a OPIS, quand le Capt me dit soudain « I have controls »...

Lui laissant les commandes, je me dis intérieurement « zut j ai du faire un truc qui va pas...» mais sans trop savoir quoi...
Et le voilà qui plante les freins deux fois successivement à très faible vitesse, avant de me repasser les commandes!

Il avait entendu au PA, qui est allumé de son côté, l’annonce (en Anglais) répétée de la Chef de cabine demandant aux gens de rester assis, visiblement sans succès, et avait fait preuve de « pédagogie active » comme on dit...

Il faut dire que nos passagers de/vers le Pakistan ne parlent pour la plupart pas l’Anglais et prennent pour la première fois l’avion dans leur très grande majorité. Je vous raconte d’ailleurs pas l’état de l’avion à l’issue de nos vol, sans même parler des toilettes.

Ça m’a rappelé que j’avais pratiqué exactement comme cela avec mes enfants, qui à l’arrière de la voiture, refusaient s'ystématiquement vers 7/8 ans de mettre leur ceinture avant de démarrer, ce qui nous retardait à chaque fois, car je refusais de démarrer tant qu’ils n’ét'aient pas attachés.

Un jour de guerre lasse, et fatigué de tenter de leur expliquer que c’était pour leur propre sécurité, je leur ai dit, « ok je démarre quand même » (grand sourire de satisfaction chez mes deux lascars), ai accéléré jusqu’à 15km/h à peine sur le parking du supermarché, et quasi immédiatement ai planté sans prévenir les freins.

J’ai entendu « Boum, Boum » alors qu’ils allaient gentiment mais fermement dire bonjour au dossier du siège avant...
Cris de protestation indignés des enfants, excuses piteuses de ma part sur la nécessité absolue d’éviter un caddie imaginaire, mais curieusement, après cet incident et pendant toute leur adolescence, la ceinture était attachée avant même que je mette le contact!

Et à 18 et 22 ans ils s’en souviennent encore aujourd’hui...

Jacques
(Beau récit Tim! Je n’ai jamais eu le cas que tu décris mais ça vient d’entrer dans ma bibliothèque perso des « What if »)
 
Dernière édition:
Bonjour à tous et bonjour Tim,

J'arrive un peu en retard... Mais quel récit !!! Je l'ai lu captivé, un très grand merci et bravo.

Pour ce type de problème ILS, est-ce que tu fais un REX ?

Cerise sur le gâteau, je lis :

Durant le Taxi, des passagers se lèvent déjà pour récupérer leurs affaires et n'obéissent pas aux injonctions de la chef de cabine. Dans le cockpit, nous entendons cela et le commandant décide de freiner brusquement jusqu'à l'arrêt complet et passe une annonce à ces passagers avant de continuer le roulage jusqu'à l'aire de stationnement.

Cela me fait penser à ce passager qui excédé d'attendre pour sortir de l'avion après que celui-ci soit au parking avait ouvert la sortie de secours située à la hauteur de l'aile et était sortie par l'aile de l'avion (lu dans la presse).
 
Qu'est ce que tu entends par REX ?

Oh après 2 ans et demie en ligne, j'ai déjà tout vu.

Une passagère qui tombe dans les escaliers parce qu'elle a trébuché en voulant aller trop vite avec ses gros sacs. Elle tombait tête en première sur le tarmac si il n'y avait pas une autre passagère qui a servi d'amortisseur :eek:

Pour info, le vol était 10min en avance !

Amic

Tim
 
@ Peter092

Tim répondra, pour ma part je ferais aussi un ASR = Air Safety Report et un coup de fil à l'Officier Sécurité des Vols.

Les REX sont les Retour EXpérience. La forme dépend des Cies.

Un site très riche en REX, faut s'inscrire pour recevoir les bulletins.

 
Bizarre ces gens qui se levent pendant les taxis... WTF
Meme chose pour les TGV 10 minutes avant l'arrivée tout le monde est debout dans le couloir...

Il suffit que le train heurte quelquechose et tout ce beau monde viendra se plaindre après...ou pas !!!
 
@Tim - Pour le REX Brice a répondu à ma place et je l'en remercie.

Pour le passager sur l'aile, j'ai retrouvé la vidéo euronews en français.

 
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