Alors... Comme d'hab, il faut prendre les rapports de journaliste avec plusieurs grains de sel.
Et d'une, les 2 avions étaient FORCEMENT sur Pilote Automatique à 38000/39000ft.
- Parce que c'est obligatoire (espace RVSM, même si au dessus du Soudan, il n'est pas sûr qu'on soit en RVSM) et que c'est dans toutes les procédures compagnie, et également Airbus (même si pas spécialiste du A350, il n'y a aucune raison que cet avion ne suive pas la règle).
- Parce qu'au plafond opérationnel ou presque, la marge de vitesse disponible avant un décrochage ou une survitesse est très faible (Coffin Corner) et que piloter à la main pendant des heures n'aurait aucun sens et serait même dangereux. Je rappelle que le Paris-Rio a fini à la baille avec un avion parfaitement fonctionnel, simplement parceque l'autopilote s'est déconnecté suite au problème temporaire de givrage des sondes de vitesse, que les pilotes on continué en manuel au FL380 et plus et que l'avion a décroché...
Et de deux, le Pilote automatique n'a CERTAINEMENT PAS pris le relais et géré le conflit c'est même tout le contraire!
En tant que pilote pro une grosse part de toute notre formation récurrente en simu est justement de savoir reprendre le contrôle en manuel en cas d'alerte TCAS et de suivre les instructions du TCAS et du vario qui affiche une zone verte/rouge et des instruction de montée/descente (TA/RA).
En cas d'alerte TCAS, la première chose à faire c'est "TCAS, I have control"
Même si ce serait techniquement possible, aucun système n'est fait pour gérer des Resolution Advisories, c'est toujours la tâche des pilotes, et la première chose à faire c'est de déconnecter le PA!.
Heureusement que le journaliste a consulté un pilote de ligne, malheureusement il a tout compris à l'envers...
Concernant le problème du Soudan, c'est que dans ces pays, il n'y a TOUT SIMPLEMENT PAS de Radar pour suivre le trafic!
J'ai fait plusieurs fois en poste des vols Réunion- Paris qui suivent une trajectoire similaire, une grosse partie du survol de l'Afrique se fait sans aucun suivi radar, en suivant des routes aériennes.
Dans ces pays très grands, faute d'antennes relais suffisantes les communications radio avec le contrôle se font en UHF et pas en VHF, UHF dont la qualité est TRES médiocre, même si le système SELCAL améliore le confort pour les pilotes puisque seules les communications qui les concernent sont transmises.
Le son est vraiment pourri, il faut tendre l'oreille et répéter ou demander à répéter plusieurs fois les consignes il est très difficile de comprendre le contrôleur dont l'anglais est également souvent assez approximatif.
Bref en général, on se contente de rapports réguliers de position, avec une estimée d'arrivée à tel point et c'est tout. Au niveau de l'ATC, je soupçonne qu'on en soit dans certains cas encore au papier.
Ca fonctionne très bien dans la plupart des cas, surtout qu'a titre de mesure de précaution supplémentaire, chaque avion se décale latéralement de la route suivie de 3 à 5 Nautiques sur la gauche ou la droite, histoire d'augmenter la marge latérale de croisement (si vous vous demandiez à quoi pouvait servir la fonction OFFSET qu'on trouve dans les FMS Boeing et Airbus, en voilà une application!). De même les avions se coordonnent entre eux, la plupart du temps directement et en VHF plus audible.
Donc que le contrôleur aie autorisé une montée sans trop anticiper qu'un avion arrivait dans l'autre sens est possible, mais ce qui m'étonne c'est que les deux avions ne se soient pas coordonné entre eux. La fatigue, sans doute. D'habitude quand on est sur des routes de ce genre sans suivi radar, on évite de demander des changements d'altitude si on est pas sûrs d'être seuls sur le tronçon en question...Le problème principal vient de là AMHA
Et de trois, il est parfaitement NORMAL que ce soit un copilote aux commandes dans cette phase de vol.
C'est même deux copilotes qui sont dans le poste à ce moment du vol, le commandant est censé dormir à ce moment-là!
Ces vols Maurice-Europe sont des vols de longue durée (>10 heures) dits à "équipage renforcé" tels que prévu par la réglementation.
Il y a donc trois pilotes, un CdB et deux copilotes, dont un dit "de croisière", en plus d'un équipage de cabine complémentaire.
D'ordinaire le Commandant de bord fait le décollage et reste jusqu'à l'altitude de croisière, il met l'avion sur la route et décide de la stratégie, puis il laisse sa place au copi de croisière et va dormir dans une couchette spéciale jusqu'à une ou deux heures avant l'arrivée, où il revient prendre sa place.
C'était le cas pour le Paris-Rio, le Cdb venait juste d'aller se coucher quand l'incident est arrivé, le temps qu'il se réveille s'habille et revienne et comprenne ce qu'il se passait, c'était hélas trop tard.
Et pour terminer, le TCAS est OBLIGATOIRE sur tous les avions de ligne, et pas seulement sur les A350!
Jacques