Rapport du vol EGBH-GCLP

Tim

PILOTE DE LIGNE
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Bonjour à  tous,

Comme demandé, voici un rapport de vol vers les àŽles Canaries.


Réveil à  0300z pour un départ à  0630z. C'est tôt, mais je n'aime pas être brusqué le matin :D je commence ma journée avec un peu de musique (pour le moment je suis dans ma période rockabilly), passage à  la sdb, je vérifie mon sac, je traine sur le net avant de descendre pour prendre un petit déjeuner continental à  lhôtel. Mon objectif est d'être dans la crewroom vers 0445z.


L'aéroport n'est pas loin, à  peine 5 min pour rejoindre le terminal.

Une porte discrète, un code de sécurité et je trouve mon chemin dans un labyrinthe de couloir. Un deuxième code et me voilà  dans la salle de préparation, seule une hôtesse est déjà  présente: elle est en stand-by. Nous nous échangeons un bonjour puis je me connecte sur un ordinateur. Jimprime le voyage report, un document sur lequel est résumé le vol et le nom de léquipage, ainsi que le plan de vol Lido.


C'est sur ce dernier que mon attention se porte, je regroupe les pages par vol, la météo et les notams à  part. Je surligne les éléments importants, le vol, la version du plan de vol, le callsign, les distances et les vents qui me serviront lors du setup du CDU. Mon attention se porte ensuite sur le carburant, pour un Total de 12651kg. C'est beaucoup mais pas assez. Par expérience, notre aéroport de destination est aussi militaire et il arrive d'avoir un holding, de plus j'ignore encore la météo. Dans ma tête, si la météo est bonne, on peut changer notre aéroport de déroutement pour justifier le surplus. En effet, Lido a sélectionné l'aéroport GCFV, de préférence commerciale 2, puisque celui-ci est plus près, mais l'aéroport de préférence est GCTS qui requiert 200kg de plus = 5 min. Avec léconomie que nous aurons, plus la contingency, on peut espérer avoir 10 à  15 min de carburant. C'est un plan !


Je parcours ensuite la route. Ce qui mintéresse principalement c'est la MORA et lindice de turbulence. Nous survolerons la pointe ouest de lEspagne, la MORA est de 8500ft donc en cas de dépressurisation, nous pouvons sans problème descendre à  10 000ft.


Je prépare de la même manière le vol retour. Aucun soucis à  prévoir, seul la MORA augmente à  10 700ft puisque notre route nous amène plus à  lest dans les Pyrénées.


La météo est globalement bonne, seuls une zone à  louest du Maroc attire mon attention : quelques cumulonimbus plafonnent à  FL370, notre altitude de croisière. Nous devrons peut être les éviter: voilà  une autre raison de prendre du carburant supplémentaire.


Les NOTAMs ne sont pas un facteur, bref le vol sannonce paisible.


Le commandant arrive, je lui présente la situation et nous sommes d'accord de prendre 13 300 kg de carburant, soit environ 600kg de plus. Jinforme swissport par téléphone en leur présentant nos valeurs, carburant, masses... en échange, je reçois le numéro de la porte de notre avion. Déjà  45 min avant le départ, il est temps de rencontrer le reste de léquipage et les informer de l'état des lieux: RAS, avion en parfait état de vol, bonne météo, journée paisible en vue !


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Jarrive à  l'avion, nous avons un peu plus de 30 minutes devant nous. Je moccupe douvrir la porte pendant que le commandant récupère le ticket carburant: un peu plus de 12900 litres délivrés !


Le cockpit est cold and dark, littéralement ! Il ne fait pas chaud et on n'y voit pas grand chose en cette heure matinale. Les hôtesses me font rapidement comprendre quelles apprécierait un peu de chauffage. Jallume la batterie et le GPU, quelques vérifications dont notamment le fire test avant dallumer l'APU. La lumière bleue sillumine, je lance un chrono de 1 minute avant d'activer l'APU BLEED. Pendant ce temps, la safet'y inspection est terminée et je minstalle à  mon poste.


Je prends la météo, je vérifie le LIGHT TEST ainsi que la pression du masque à  oxygène. Je règle lEFIS, procède à  quelques vérifications et je rentre les informations dans le CDU: route, performance, vent moyen, vent pour la descente. Le commandant revient de sa visite prévol et sinstalle à  mes côtés. Je parcours l'overhead, je règle le MCP pour le SID, tourne l'auto rake sur RTO, je vérifie le système hydraulique et les paramètres moteurs avant de terminer par le pedestral.


Mon objectif est de partir le plus tôt possible car les aéroports espagnols sont réputés pour leur lenteur. Je dis même au CAPT: avec eux, on sait quand on arrive mais on ignore lorsqu'on repart. Du fait, arriver plus tôt nous laisse plus de marge pour décoller à  l'heure: nous n'avons que 35min de rotation. C'est pourquoi je mène la danse: RIBETS, check-list, la loadsheet arrive et nous terminons la configuration du CDU en calculant nos performances pour le décollage. Pendant que le CAPT demande aux agents au sol si tout est prêt, je demande notre clearance IFR: sans surprise, c'est celle que nous avons planifié. Dans la foulée, nous recevons double ding des hôtesses pour dire que tous les passagers sont assis: nous sommes prêt pour le repoussage : 0627z!


Pendant le repoussage, nous démarrons les moteurs dans la séquence suivante: 2-1. Le frein de parking mis, les agents au sol déconnectent les équipements et très rapidement le dispatcher nous montre le PIN. Un signe de main pour accuser réception et je me lance dans la procédure avant le roulage: on branche les générateurs, on éteint l'APU, START SWITCHES sur CONT, les PROBES HEAT ON, WING+ENG ANTI ICE car la piste est mouillée et la température de 10°C, on règle le panneau de climatisation, je sors 5° de volets, procède à  un test des commandes de vol, jéteins le lower DU et j'appuie sur RECALL avant de lire la checklist. Moins d'une minute et nous voilà  prêts pour rouler !


Le roulage est très simple: tout droit jusqu'au point dattente E piste 33. La check-list avant le décollage est effectuée jusqu'à  la ligne: nous voilà  prêt pour le décollage que la tour nous autorise, je demande alors aux hôtesses de sassoir pour le décollage et je termine la check-list.


àmoi les contrôles, je règle la puissance sur 40% et je lance le chrono. Les moteurs se stabilisent, j'appuie sur TOGA et les manettes avancent pour délivrer toute la puissance des 22K. "Take Off Thrust SET, indications normal". Arrive V1, puis, un peu plus tard, Vr. Je tire sur le manche, l'avion est plus lourd que d'habitude avec près de 67 tonnes. Avec un vario positif, le train d'atterrissage rentre. Je pilote la bête jusqu'à  1000ft AAL avant de déléguer la tâche au pilote automatique. Bien que simple, ce départ est dense, notre première altitude est relativement basse. Je règle la vitesse sur -UP et nous rentrons les volets en suivant la séquence, 1° puis UP. Changement de fréquence, une autre, personne ne semble nous faire monter, en passant 4000ft, je passe en VS pour réduire le taux de montée et éviter de dépasser notre clearance de 5000ft. Enfin, nous sommes autorisés aux FL190, je passe en VNAV, je retire la vitesse de restriction que j'ai manuellement insérer pour le virage et je commande FULL CLIMB THRUST. STD est règle sur les altimètres et c'est parti pour lafter take off checklist. Le contrôleur nous informe qu'il n'y a pas de limitation de vitesse (250/FL100) alors je la supprime: nous passons le niveau 060. Dense, n'est ce pas ?


Le SID est rapidement "détruit" avec un direct vers CPT. Les changements de fréquences senchaînent, un dernier Check en passant le FL100 et la charge de travail diminue fortement. Le soleil se lève et nous assistons à  un ravissant ciel rosé (sans retouche).

Quelques changement daltitude et nous arrivons à  notre altitude de croisière de FL370. En tant que PF/FO, j'ai quelques paperasse électroniques à  remplir tandis que le PM soccupe du suivi du vol et des communications radio. On change avec Brest et nous voilà  parti pour 3h de croisière. J'en profite d'ailleurs pour écrire ce post que je terminerai durant le vol retour. Les hôtesses nous appellent régulièrement, nous demandant si nous souhaitons quelque chose. Un peu d'eau chaude pour infuser mon thé ainsi que, plus tard, une pause toilette avant la descente.


Après trois heures de vol, il est temps de préparer l'approche en suivant la structure DALTA. Lapproche sur GCLP na rien de compliqué mais certains points sont à  souligner comme par exemple le terrain, les risques de cisaillement de vent et un possible changement de piste en dernière minute (21R/L) à  réaliser manuellement.


Après le DALTA et la DESCENT Checklist, jeffectue un PA, annonçant aux passagers que nous sommes prêts à  descendre dans 10min, avec une arrivée 10 min plus tôt et que la météo à  Gran Canaria est très belle: CAVOK et une température de 28°C.


Pendant ce temps, sur la fréquence, la contrôleuse de Casablanca a du mal à  recevoir les appels des avions. Les "radio check" se multiplient, tout le monde sentend sauf lATC. Léquipement au sol n'est pas extraordinateurn'aire mais les CB que je craign'ais lors de la préparation sont bien là , un peu plus bas, et peuvent créer une interférence. Lorsque nous sommes enfin transféré dans la FIR de Gran Canaria, c'est un soulagement pour nos petites oreilles !


Peu après, nous sommes autorisé à  descendre au FL130 à  notre discrétion. Je sélectionne le niveau de vol sur le MCP et je laisse donc VNAV gérer la descente. Tout se passe bien, je pense même déconnecter le pilote automatique avant dintercepter l'ILS pour voler un peu à  la main mais c'étais sans compter le direct donné par le contrôleur: nous voilà  trop haut, sous FL100, limité à  250 kts. Je n'ai pas le choix, je passe en LVL CHG car VNAV PATH plonge pour récupérer le plan sans prendre en considération la vitesse, je sors les aérofreins en maintenant une vitesse de 250 kts avant de les rentrer 200ft au dessus du plan. Pourquoi ? Parce que le DECEL point arrive et que le plan de descente prévoit une réduction de VS pour ralentir l'avion. En maintenant la vitesse, je vais rattraper le plan mais avec un peu dexcès en énergie. Ce n'est pas grave, je vais réduire la vitesse à  230, puis 220 et sortir le premier cran de volet pour créer de la traînée. Nous sommes à  15nm de la piste. Je maintiens la vitesse pour continuer à  récupérer le plan, puis je sors 5° de volets, je suis à  présent légèrement en dessous: je peux réduire la vitesse ce qui réduira ma VS.


Autorisé à  l'approche, sur le glide avec un angle dinterception d'une vingtaine de degré. Jarme APP sur le MCP et le pilote automatique capture l'ILS. La vitesse reste relativement élevée, j'utilise une seconde fois les aérofreins pour la rendre "acceptable", environ 20kts trop rapide mais aucun soucis, en sortant le train et les volets à  15°, je suis certain quelle se stabilisera.


C'est effectivement ce qui se passe. à4.3nm, nous sommes autorisés à  l'atterrissage. à4nm, je demande le train, les volets et la LANDING checklist. Sensuit 30° de volet et la vitesse est stabilisée à  Vref+10 (car nous avons 20kts de face). Pour la première fois depuis le début de la descente, les manettes de gaz avancent : parfait !


Je déconnecte le pilote automatique pour atterrir la bête. Ca bouge un peu mais rien de bien méchant. 50ft, je regarde au loin, 30 ft, à  20ft je tire légèrement sur le manche pour arrondir et je réduis les deux manettes de gaz. Les roues touchent la piste, pas trop doux, pas trop brutal, juste ce qu'il faut pour poser dans le bloc et commencer le freinage. Notre objectif est la sortie S1 que nous réussissons à  prendre sans trop de soucis.


Le taxi se fait avec le marshaller. Au sol, le capt conduit ce tricycle de 60 tonnes pendant que je rentre les volets et effectue les procédures. Au moment dallumer l'APU, surprise ! En effet, je remarque que lEGT reste coincé à  8, une valeur deux fois supérieure à  la normale ! Dailleurs lannonciateur FAULT ne tarde pas à  s'allumer. Nous coupons l'APU qui entre alors dans son cycle de refroidissement. Une minute plus tard, une deuxième tentative aboutira au même résultat. Nous voilà  presque à  la porte sans APU. Je coupe le moteur de droite et je fais signe au personnel au sol de connecter le GPU avec le moteur 1 allumé. Grâce à  leur rapide intervention, nous passons sur le GPU et je peux enfin couper le dernier moteur et effectuer le TRANSIT SHUTDOWN.


àprésent, il va falloir se mettre à  lévidence: nous avons un problème et 45 min pour le résoudre. Le QRH préconise une période de 5 min avant de démarrer l'APU ce que nous attendons. Deux options soffrent à  nous: soit l'APU fonctionnera, soit nous devrons appeler les opérations et faire un NO-BLEED START sur le moteur 1, suivi d'un cross bleed start pour le 2.


Une chance pour nous, l'APU a fini par fonctionner. Le CAPT me propose aussi de faire le retour: moins de paperasse, plus de vol, comment refuser ?


Au retour, je prévois de garder les commandes jusqu'au FL100, toujours plus fun quand on peut !

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J'espère ce que ce "petit" rapport de vol vous a plu. Il n'est expressément pas trop technique (sinon ça serait un "grand rapport" :p ) mais en recoupant avec d'autres tutoriels, je pense que ça vous donnera une idée de comment se présente un vol.

Au final, la croisière est très peu chargée et la partie fun est dans la montée et, ma préférée, la descente.


J'ai filmé l'approche, ainsi que le second départ. Jignore si je vais rendre cette vidéo publique mais, quoi qu'il advienne, il me faudra un peu de temps pour créer un montage sympathique ;)


Amic


Tim
 
:) tu te fais un compte youtube et on suivra tes aventures.
Tu pourrais utilisé ce post pour nous faire d'autres rapports, enfin faut que tu es du temps libre :)

Je propose aux modos dépinglés les futurs aventures de TIM le pilote :)
 
Merci :)

Du temps, j'en ai toujours en croisière mais le seul problème, c'est que les rapports seront répétitifs. Je peux néanmoins raconter des anecdotes sur telle ou telle approche. Prochaine fois à  Budapest ça peut être sympathique. Demain je vais à  Ténérife et après demain la Pologne avant de rentrer sur Dublin (où je vais essayer de trouver un ami qui peu me héberger une nuit avant de rentrer par le premier vol du matin sur BXL. Sinon ce sera DUB-EMA, et le lendemain EMA-DUB-BRU... Tout ça pour économiser 70€ mais bon ).

Des fois, je me demande si je ne passe pas plus de temps là  haut quici bas :/

Amicalement

Tim
 
Bein tu va plus dormir aprés, tu va avoir qu'une envie c'est d'aller allumer le simu pour reproduire ce qua decris Tim........
 
Je décline toute responsabilité en cas de :
- manque de sommeil / somnolence
- retard au bureau
- incident lié aux deux précédents
- autres...



Tim
 
Superbe !
Merci Tim de de prendre le temps de partager ça avec nous.
Tout au long de la lecture j'ai eu l'impression de taccompagner :) c'étais très immersif et enrichissant comme toujours.
 
Je suis ravi de voir que cela vous a plu ! :)

Amic

Tim
 
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